PV de non désignation de conducteur : point après 2 ans de contentieux

Le 14 juin 2017, l'association "40 millions d'automobilistes" alertait les automobilistes en profession libérale et les auto-entrepreneurs sur les dérives engendrées par la loi de modernisation de la Justice du 21ème siècle, qui impose entre autres à l’employeur de dénoncer ses salariés en cas d’infractions au Code de la route commise avec des véhicules de société : bien que la mesure visait initialement les entreprises possédant une flotte de véhicules conduits par différents employés, ils devenaient en effet victimes de cette loi mal ficelée.

L'association enfonçait le clou quelques semaines plus tard en s'unissant avec la Fédération Nationale des Infirmiers (FNI) pour dénoncer cette vague de PV envoyés sans discernement, tandis que Me Ingrid Attal, présidente de la Commission juridique de "40 millions d'automobilistes", mettait le doigt sur une nouvelle faille dans le système.

Depuis près de deux ans, ce nouveau dispositif a généré un contentieux de masse auprès des Tribunaux de Police : Me Ingrid Attal fait le point.

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Les contraventions adressées à la personne morale

Compte tenu de la multiplication des contestations engagées devant les juridictions depuis l’entrée en vigueur du dispositif, la Cour de Cassation a été saisie de plusieurs problématiques juridiques en lien avec cette infraction. Elle a donc tranché certains points bien précis. En premier lieu, depuis l’entrée en vigueur du dispositif, les avis de contravention pour non désignation des conducteurs n’ont pas été adressés au chef d’entreprise, mais à la personne morale alors que l’obligation visée par le texte incombait au représentant de la personne morale. Sur la base de cet argument, de nombreuses contestations ont été classées sans suite par les officiers du ministère Public et/ou de nombreuses relaxes ont été prononcées par les juridictions. En effet, on considérait qu’on ne pouvait pas faire peser sur une personne, une obligation qui en incombait à une autre… Cependant, la Cour de Cassation est venue sauvegarder le dispositif prévu par l’article L.121-6 du Code de la route en permettant que la personne morale soit destinataire de l’avis de contravention (Cass Crim 11 déc 2018 n°18682631), mettant ainsi un coup d’arrêt à cette argumentation.

Les contraventions pour les infractions commises avant l'entrée en vigueur de la loi

Dans le même temps, elle a tranché une autre problématique qui concernait les avis de contravention datés postérieurement au 1er janvier 2017 pour des infractions constatées par le contrôle automatisé antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi. Un grand nombre de contestations ont été portées devant les juridictions pour contester l’application rétroactive de l’article L.121-6 du Code de la route. Sur ce point, la Cour de Cassation a considéré que peu importe que l’infraction, en elle-même, ait été commise avant l’entrée en vigueur de la loi, les poursuites pour non dénonciation de conducteur étaient fondées dès lors que le prévenu avait été informé de son obligation de désignation dans l’avis de contravention initial d’excès de vitesse (Cass Crim 11 déc 2018 n°18-82820).

Ceux qui ont oublié de s'auto-désigner

En troisième lieu, nombreux sont les chefs d’entreprise qui, en toute bonne foi, ont payé des PV d’excès de vitesse au motif qu’ils étaient auteur de l’infraction, et se sont vu destinataires, par la suite, d’un avis de contravention pour non transmission de l’identité du conducteur à hauteur de 650 €. La Cour de Cassation a rappelé dans un arrêt du 15 janvier 2019, qu’il appartient au représentant légal de s’auto-désigner pour recevoir en son nom et à son domicile personnel un avis de contravention (Cass Crim 15 janvier 2019 n°18 82 380). Dans un rapport du 15 novembre 2017, le Défenseur des Droits a, d’ailleurs, recommandé au ministre de l’Intérieur de rendre plus lisibles les informations délivrées dans les avis de contravention initiaux pour éviter la réception d’un avis pour non désignation de conducteur et notamment sur l’obligation d’auto-désignation du représentant légal lorsqu’il est lui-même auteur de l’infraction. À ce jour, sont encore en cours de traitement de nombreuses problématiques juridiques, ce qui laisse donc entrevoir de nombreux rebondissements, voire revirement de jurisprudences !

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Écrit par Maître Ingrid Attal, avocate Dernière modification le jeudi 10 décembre 2020