80km/h : autopsie d'un fiasco

Lors de l’entrée en vigueur, le 1er juillet 2018, de l’abaissement de la limitation de vitesse à 80 km/h sur les routes secondaires à double sens de circulation dépourvues de séparateur central, le Gouvernement s’était engagé à mener au terme de deux années d’expérimentation une évaluation de l’efficacité réelle de la mesure faite pour "économiser" 400 vies par an.

Le Comité indépendant d'évaluation des 80 km/h (CIE), dont l'association "40 millions d'automobilistes" est membre, s’est donné pour mission dès sa création de mesurer avec objectivité la pertinence de la baisse de la limitation de vitesse à 80 km/h. Le CIE a donc décidé de mener une étude indépendante pour déterminer de la façon la plus rigoureuse et incontestable possible l’impact de la mesure, non seulement en termes d’accidentalité, mais aussi au regard de ses conséquences socio-économiques.

Cette étude particulièrement documentée a été réalisée, sous sa responsabilité, par le rapporteur du CIE, le professeur Rémy Prud'Homme, économiste réputé, ancien directeur-adjoint de la direction de l’Environnement de l’OCDE, professeur émérite des universités et professeur invité au MIT.

80 km/h : une diminution des tués 10 fois inférieure à l'objectif du Gouvernement

"La comparaison des chiffres de la mortalité routière recueillis avant et après l’entrée en vigueur de la mesure fait apparaître une diminution, toutes causes confondues, de 148 tués sur le réseau concerné pour la période juillet 2018 – juin 2019 par rapport à juillet 2017 – juin 2018. Mais cette différence ne saurait bien sûr être attribuée que très partiellement au seul passage à 80 km/h, puisque de nombreux autres facteurs – étonnamment ignorés par la DSR dans son évaluation – doivent être pris en compte pour déterminer l’efficacité réelle de la mesure » souligne Rémy Prud'Homme.

Une fois l’impact de ces autres facteurs identifié et retranché, il s’avère que le nombre des tués au cours des douze premiers mois de mise en œuvre de la mesure n’a baissé que de 39, soit 0,4 tués par département, valeur statistique non significative assimilable à une marge d’erreur.

Par ailleurs, l’échec de plus en plus souvent pointé des 80 km/h ne se décline pas qu’en termes de bilan humain : les conséquences socio-économiques de la mesure – que la loi de 1982 (LOTI) impose de prendre en compte dans toute évaluation coûts/bénéfices d’une politique publique – révèlent également le "véritable fiasco" que représente la mesure.

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Un coût net de 2,3 milliards d'euros par an pour la société et l'économie françaises

À elles seules, les 184 millions d’heures perdues pendant cette première année (correspondant au temps supplémentaire passé sur ces routes en raison de la baisse des vitesses pratiquées par les usagers) représentent un coût de 2,65 milliards d’euros, loin d’être compensé par les bénéfices liés à la valorisation officielle des vies (129 millions d’euros) et blessés graves évités (88M €), ainsi que des carburants et émissions de CO2 économisés (80M € + 20M €).

Après quatorze mois d’application de la baisse de la vitesse maximale autorisée à 80 km/h sur le réseau routier secondaire à double-sens sans séparateur central, rien ne permet donc d’affirmer que la mesure a eu un effet positif. Pour le CIE, Il serait urgent de s’intéresser désormais aux vraies raisons pour lesquelles la baisse continue du nombre des morts sur les routes françaises depuis 1973 s’est arrêtée en 2013, alors que les principaux facteurs de l’accidentalité tels que la consommation croissante de stupéfiants, l’alcool au volant, le non-respect du code de la route par toutes les catégories d’usagers, les comportements répétés à hauts risques ou l’addiction au mobile ne sont pas maîtrisés en priorité sur le terrain.

Au vu des interrogations croissantes portant sur le bien-fondé des chiffres et interprétations émanant des services de l’État, et afin que les élus ne voient pas leurs décisions détournées ou contredites par des dispositions administratives jugées technocratiques, voire idéologiques par les citoyens, le CIE demande que toute la transparence promise par le Gouvernement soit assurée. Il se réserve de présenter lui-même le moment venu un bilan objectif de ces deux années afin d’éclairer sereinement les décisions à prendre pour une baisse effective et durable de l’accidentalité routière.

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Écrit par 40MA Dernière modification le mardi 29 décembre 2020